Dr Sesime Sanni ne ralentit jamais

Dr Sesime Sanni est cheffe du service de chirurgie pédiatrique au Centre Hospitalier Préfectoral d’Aného, partenaire de Smile Train au Togo, et la première femme chirurgienne pédiatrique de son pays. Voici son histoire inoubliable, racontée par elle‑même.

Je crois que le métier de médecin est une vocation. Quand j’étais enfant, nous avions beaucoup de poulets, et je prenais soin de ceux qui avaient un membre fracturé. Ma sœur aînée est pédiatre au Bénin, alors j’ai aussi été attirée par sa voie. À un moment, j’ai songé devenir économiste, mais j’ai vite abandonné l’idée parce que les classes étaient surchargées et j’ai réalisé que j’avais peur des foules. Je ne suis pas à l’aise dans la foule. Bien sûr, le désir de prendre soin des gens, surtout des enfants, m’a aussi motivée à devenir médecin : ce sont eux qui me poussent en avant.

Je me suis inscrite en 2012 en première année de résidence en chirurgie générale, mais ça ne m’a pas plu. Ce n’était pas grave, car je m’y étais inscrite juste pour patienter jusqu’au lancement de la spécialité chirurgie pédiatrique l’année suivante. Dès qu’elle a démarré, je me suis portée candidate aussitôt. C’était tout ce que je voulais et plus encore : un jour, un partenaire de Smile Train est venu donner une formation sur la chirurgie des fentes, et j’ai su sur le champ que c’était ma vocation. J’ai même fait ma thèse de médecin sur les protocoles de fente.

À la fin de la formation, je savais réaliser certaines opérations de fente, mais pas toutes. Pourtant, j’étais impatiente d’aider ces enfants, et leurs parents étaient désespérés de pouvoir les faire opérer. Mais ils n’en avaient pas les moyens. Nous avons eu de nombreux cas où nous ne pouvions pas opérer faute de ressources familiales. C’était déchirant.

Encore plus déchirant pour moi, c’était de savoir que cela n’aurait pas à être ainsi : nous pouvions nous associer à Smile Train pour offrir ces chirurgies gratuitement. Je me suis donc engagée à amener Smile Train au Togo, même si j’ignorais comment y parvenir.

J’étais en Côte d’Ivoire pour une formation en 2016 quand un confrère m’a appelée pour m’annoncer qu’un partenaire de Smile Train souhaitait nous contacter. J’ai dit oui sans hésiter, et il a rappelé ce soir‑là même. C’était le début d’une longue histoire qui s’est conclue par ma nomination comme première chirurgienne pédiatrique du Togo et le partenariat de mon hôpital avec Smile Train en 2021 !

Je suis fière de dire que dès la première année, j’ai aidé 57 enfants à retrouver le sourire grâce à des chirurgies gratuites.

Mais je ne me repose pas sur mes lauriers. Par‑dessus tout, je veux faire progresser notre action. Nous ne pouvons pas stagner : c’est avancer ou reculer, et reculer n’est pas une option.

Une personne différente

Le bonheur sur le visage des mères quand elles retrouvent leurs enfants après la chirurgie de la fente me motive. C’est cette émotion qui me pousse. Quand je suis au bloc opératoire, je suis une autre personne : je suis totalement concentrée sur la chirurgie, le temps s’arrête. Mais en sortant, je redeviens une mère : je sais ce que c’est de remettre un bébé sur les bras de sa mère après une telle intervention.

C’est ma passion ; je ne peux pas m’empêcher de pratiquer cette chirurgie.

Formation continue

Je dois souligner que sans Smile Train, mon travail ne serait pas possible ici. Nous aurions bien moins de sourires. C’est grâce à eux que nous disposons d’équipements d’anesthésie modernes et fiables, de matériel chirurgical, de formations en gestion post‑opératoire et bien plus encore dans notre hôpital. Quand je fais une demande à Smile Train, je sais qu’elle sera satisfaite tôt ou tard.

Évidemment, il reste beaucoup à faire. Mon objectif est d’améliorer nos communications, car les patients ne viennent pas d’eux‑mêmes. Il faut que chacun sache que quand un enfant naît avec une fente, nous pouvons l’évaluer et commencer à l’alimenter immédiatement. Nous devons aussi lutter contre les mythes courants : la fente n’est pas une malédiction, ce n’est pas la faute de la mère, et la chirurgie est sans danger pour les adultes comme pour les enfants. Je connais trois adultes porteurs de fente qui refusent la chirurgie. Nous devons donc informer pour convaincre, et c’est un chantier en cours.

Je suis moi aussi en constant apprentissage ! Je veux continuer à découvrir de nouvelles techniques de chirurgie de la fente, comme la greffe osseuse alvéolaire. De même, toute mon équipe est déterminée à poursuivre sa formation pour toujours améliorer nos soins, notamment en élargissant la prise en charge non chirurgicale : nutrition, orthodontie et orthophonie — essentiels pour permettre aux enfants porteurs de fente de s’épanouir.

La guérison que vous apportez

Si vous êtes donateur de Smile Train, sachez que votre argent n’est pas gaspillé : il est utilisé chaque jour pour former des professionnels de santé comme mon équipe et moi‑même, et pour sauver des vies d’enfants.

Pour vous le prouver, je partage l’une de mes histoires préférées :

Une maman m’a raconté que, quand son enfant est né avec une fente, son mari l’a accusée et l’a quittée. C’est tragique, et malheureusement pas rare ici. Heureusement, elle nous a trouvés, et j’ai pu opérer son enfant. Elle a ensuite envoyé un message au père pour l’en informer, et il est venu voir son enfant à l’hôpital. De retour chez eux, il est resté avec eux. J’aurais tant d’autres histoires à raconter, mais celle‑ci m’a le plus touchée : une seule chirurgie a suffi à réconcilier un couple et peut‑être à reconstruire une famille.

Je la partage parce que vous l’avez rendue possible : des compétences et du matériel jusqu’au sourire de l’enfant et à la famille heureuse qui en a résulté. Et chaque jour, vous créez d’autres histoires semblables partout dans le monde.

Du fond du cœur, merci d’avoir permis à tant de rêves de devenir réalité des deux côtés de la table d’opération !